Il est clair que nos gouvernements ignorent tout des cycles économiques. Conformément au principe de dissipation maximale d’énergie, leur but est de maximiser la croissance économique. Or ceci n’est possible que durant une phase très particulière des cycles économiques: la phase d’expansion. Que faire durant les autres phases?
En dehors des phases de crises sur lequel je reviendrai, on constate une simple stagnation de l’économie. Cela se produit durant deux cas très différents que beaucoup d’économistes ont tendance à confondre: les phases de dépression et les phases de stagflation.
Le cas des phases de dépression est aujourd’hui le mieux compris grâce à l’analyse qu’en a fait l’économiste anglais John Maynard Keynes. L’explication en est très simple. Les phases de dépression suivent les phases de crise, comme la dépression de 1929 a suivi la première guerre mondiale. Un simple examen de la figure du billet 107, reproduite ici, montre que la demande économique y est forte mais, du moins au départ, l’offre y est faible.
L’explication qu’en a donnée Keynes est que, traumatisés par les crises qui ont précédé, les investisseurs hésitent à placer leur argent dans de nouveaux développements qu’ils jugent toujours risqués. Le remède proposé par Keynes est d’encourager les investisseurs, notamment par les actions gouvernementales. Cette politique, dite keynésienne, a facilité le passage de la phase de dépression d’avant guerre à la phase d’expansion observée après la dernière guerre mondiale.
Depuis 1978, l’économie stagne de nouveau. Certains économistes ont proposé d’appliquer à nouveau une politique keynésienne, mais on s’est vite aperçu que cela ne marchait plus. Un simple coup d’œil à la figure ci-jointe montre que la situation est en effet très différente. Nous ne sommes plus dans une phase de dépression, mais dans une phase de stagflation. L’offre y est importante, mais la demande est en chute libre. Inutile donc d’encourager l’offre: le problème vient de la demande.
Celle-ci ne cesse de diminuer parce qu’une partie grandissante de la richesse est capitalisée par une fraction de plus en plus faible de la société. C’est le résultat de ce qu’on appelle le capitalisme financier. La richesse s’accumule comme le sable sur le tas de sable de Per Bak ou la neige en montagne. On sait comment cela se termine: le tas de sable ou de neige fini par s’effondrer. C’est la phase de crises que nous traversons maintenant. Les montagnards disent que le temps est propice aux avalanches.
Il est curieux de voir que nos gouvernements, comme les économistes qui les conseillent, sont totalement inconscients des processus que je viens de décrire. On ne peut qu’en prédire les conséquences, d’où le sujet de mon billet précédent.
Bonsoir monsieur Roddier,
« Il est curieux de voir que nos gouvernements, comme les économistes qui les conseillent, sont totalement inconscients des processus que je viens de décrire,… »
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Curieux, oui, mais simple à expliquer :
Reconnaitre les cycles ravageurs – d’un monde capitaliste – reviendrait à condamner ce système – et surtout – les puissants qui en tirent les ficelles !
« Les économistes » ne peuvent révéler cette arnaque (car c’est de cela qu’il s’agit : un système économique basé sur l’appropriation des ressources connues et essentielles, par une minorité), sous peine d’être marginalisés.
Les économistes en vue sont sélectionnés pour délivrer la « bonne parole ». Les autres devront changer de métier…
Bonjour,
On pourrait aussi imaginer votre schéma beaucoup plus grand.
Il me semble qu’en allant dans le sens de P l’attitude de la feuille augmente. Aussi peut-être que le pari fait (consciemment ou pas) par le politique est, face au précipice b, d’accélérer afin d’éviter une chute brutale. En allant assez loin dans la direction de P, peut-être espère-t-il réduire le dénivelé. Puis une fois reposé, virer à droite.
La question sera alors de pouvoir se rapprocher du point de torsion C car in fine, en s’en éloignant, peut importe la vitesse de rotation, il faudra chuter brutalement.
Est-ce qu’il ne faudrait pas distinguer les cycles par pays ? Y voir même des moteurs ago-antagonistes? Car le malheur des uns (dépression) fait aussi le bonheur des autres (expansion).
Dans les années 20, il y avait une certaine prospérité chez les vainqueurs de 14-18, c’était « les années folles », les « roaring twenties ».
La première guerre avait en effet permis de détruire du capital et l’économie était repartie, au dépens de l’Allemagne qui était au purgatoire de la dépression.
Mais on n’était pas en dépression en France, « la peur des investisseurs » qu’évoque Keynes et simplement le taux de profit très bas propre à la stagflation, et qui nécessite de détruire du capital (ou d' »euthanasier le rentier » selon les dires de Keynes).
1929 était une crise de surproduction , pas la manifestation de la dépression. Après, l’Allemagne qui à partir de 1933 allait ajouter de grosses capacités industrielles « grâce » au nazisme, « menaçait » d’industrialiser l’URSS, et un Japon également en pleine phase d’expansion coloniale en Chine.
Là en effet on a eu un gros risque de surcapacité mondiale qui a justifié la guerre inter-impérialiste.
Il y a aussi quelquechose qui m’étonne (mais en réalité c’est compréhensible…) : c’est l’absence totale de Marx et Engels dans les théories actuelles, alors qu’ils ont fait un effort scientifique remarquable en observant les guerres et les crises en leur temps, et dont les motifs n’ont pas vraiment changé aujourd’hui.