L’homme préhistorique ne pouvait compter que sur ses muscles. Devenu agriculteur, il doit retourner la terre, faucher le blé et le battre pour en extraire les graines, puis écraser les graines pour en faire de la farine. Tout cela à la sueur de son front. Après avoir réussi à domestiquer des animaux, il parvient à en utiliser certains pour tirer une charrue ou faire tourner une meule. Il réussit ensuite à utiliser l’énergie motrice d’un courant d’eau (moulin à eau) ou d’air (moulin à vent). Ce n’est qu’à la fin du 17ème siècle qu’il réussit à utiliser le feu. En 1690, Denis Papin construit la première machine à vapeur (1). En 1769 James Watt dépose le brevet de la première machine à vapeur utilisable industriellement (2). Ces développements conduisent à une réflexion théorique. Si la chaleur peut produire de l’énergie mécanique, l’inverse est encore plus facile. Par frottement, l’énergie mécanique produit de la chaleur. En 1842, le physicien anglais James Prescott Joule démontre l’équivalence des deux formes d’énergie. En son honneur, l’énergie est de nos jours mesurée en “joules” (3). Pour élever de 1 degré la température de 1 gramme d’eau, c’est-à-dire produire une calorie, il faut dépenser une énergie mécanique de 4,18 joules. Joule étudie aussi la dissipation de l’énergie électrique en chaleur, appelée de nos jours “effet Joule”. La puissance d’un radiateur électrique est maintenant mesurée en watts, c’est-à-dire en joules/seconde. Le feu est une réaction chimique vive d’oxydation par l’oxygène de l’air. Le feu convertit donc de l’énergie chimique en chaleur. En 1800, Volta venait de fabriquer la première pile capable de convertir directement l’énergie chimique en électricité. On pouvait donc passer d’une forme d’énergie à une autre. La lumière elle-même ou tout rayonnement électromagnétique produit, lorsqu’il est absorbé, un échauffement et propage donc de l’énergie. Il a fallu attendre Einstein et sa fameuse relation E=mc2 pour s’apercevoir que toute matière est de l’énergie. Ainsi matière et rayonnement, c’est-à-dire tout l’univers est énergie. Si tout est énergie, alors pourquoi la crise du pétrole est-elle un problème? Ce ne sont pas en effet les sources d’énergie qui manquent, mais les sources d’énergie facile à convertir en énergie mécanique. L’homme a d’abord utilisé de l’énergie déjà présente sous forme mécanique. C’est le cas de l’énergie du vent ou des chutes d’eau. Si la conversion d’énergie mécanique en chaleur est aisée, partir de la chaleur pour obtenir de l’énergie mécanique est bien plus difficile. Au 19ème siècle on s’interroge sur la cause de cette difficulté et sur le meilleur moyen de la surmonter. En 1824, un polytechnicien de 28 ans, Nicolas Léonard Sadi Carnot apporte le premier une réponse à ce problème en publiant une brochure d’une centaine de pages intitulée “sur la puissance motrice du feu” (4). Cet ouvrage fondamental établissait les bases théoriques d’une nouvelle science, la thermodynamique (5). Carnot part du fait que la production de chaleur par frottement mécanique est un phénomène irréversible. Pour effectuer la transformation inverse, c’est-à-dire transformer de la chaleur en énergie mécanique il faut utiliser des transformations réversibles. Ceci n’est possible que si l’on dispose de deux sources de chaleur à des températures différentes. Il faut extraire de la chaleur d’une source chaude (pour produire de la vapeur). Mais il faut aussi obligatoirement en rendre une partie à une source froide (pour la condenser). On ne peut donc convertir qu’une partie seulement seulement de la chaleur en travail. Cette partie est d’autant plus grande que la différence de température entre les deux sources est plus élevée. Ainsi, le rendement de la transformation, appelé depuis le rendement de Carnot, est toujours inférieur à l’unité. Il ne dépend pas du fluide utilisé mais seulement de la température des sources. Il est proportionnel à la différence entre leur deux températures. Carnot montrait ainsi que la chaleur est une forme dégradée d’énergie. S’il est possible d’en récupérer une partie grâce à des différences de température, on sait que les températures tendent généralement à s’uniformiser rendant peu à peu l’énergie thermique définitivement irrécupérable. D’une façon générale, l’énergie se conserve mais se dégrade. Lorsqu’on parle couramment de “consommation d’énergie”, en fait on ne la consomme pas, on la dégrade irréversiblement sous forme de chaleur. Rien ne se perd, rien ne se crée mais tout évolue inexorablement. Je reviendrai plus en détail sur ce sujet.
Nicolas Léonard Sadi Carnot à 17 ans en habit de polytechnicien |
On peut classer les différentes formes d’énergie selon la nature des forces mises en jeu: forces de gravité, forces électromagnétiques et forces nucléaires. Il est important de distinguer la source d’origine des formes utilisées ensuite pour le stockage et le transport. On peut obtenir sur terre un peu d’énergie d’origine gravitationnelle grâce au mouvement des marées. Cette énergie est prise essentiellement sur le système terre-lune avec pour effet de ralentir insensiblement la lune sur son orbite. Pour le reste, l’énergie sous forme gravitationnelle est principalement utilisée comme stockage dans les barrages. La source de presque toute l’énergie utilisée sur terre est d’origine électromagnétique. C’est le rayonnement solaire. On peut le convertir directement en électricité grâce à l’effet photoélectrique. La nature l’utilise depuis longtemps dans la photosynthèse. Sans lui nous n’aurions pas d’oxygène pour respirer, ni d’aliments pour nous nourrir. C’est l’énergie solaire qui agite l’atmosphère et pompe l’eau qui alimente nos rivières. Elle fait tourner nos moulins et alimente nos barrages. C’est elle qui fait pousser les arbres et nous fournit le bois pour nous chauffer l’hiver. C’est elle que la vie a lentement emmagasinée pendant des millions d’années sous forme d’énergie fossile. Le pétrole en est sans doute la forme la plus précieuse. Deux siècles auront suffi à l’homme pour l’épuiser. On peut enfin extraire de l’énergie de la matière soit par fission soit par fusion nucléaire. La fission utilise la radioactivité naturelle. La façon la plus bénigne de le faire est d’utiliser la chaleur qu’elle dégage dans la terre, c’est-à-dire l’énergie géothermique. La consommation mondiale d’énergie géothermique représente 0,18% de l’énergie consommée sous forme de pétrole. Une façon plus radicale est d’extraire de la terre ses éléments radioactifs (essentiellement l’uranium) et de les concentrer. Lorsque la concentration est suffisante on obtient une réaction en chaine comme celle de la première bombe atomique. Si l’on maitrise la réaction, on obtient un dégagement de chaleur important tel que celui produit dans une centrale nucléaire. La chaleur est alors convertie en électricité, un fleuve comme le Rhône servant de source froide. En France, 80% de l’électricité est d’origine nucléaire. A ce rythme, les réserves d’uranium sont estimées durer de l’ordre d’un siècle. L’exemple de Tchernobyl entre autres montre que ce n’est pas sans danger. Il y a aussi production de déchets radioactifs dont on ne sait toujours pas se débarasser de façon entièrement satisfaisante. La fusion nucléaire consiste à fusionner deux noyaux d’hydrogène (plutôt sous forme d’isotopes: deutérium, tritium) pour obtenir un noyau d’hélium. C’est ainsi que fonctionne une bombe à hydrogène. C’est aussi de cette façon que le soleil produit son énergie. Il le fait grâce à la gravité qui confine la matière sous des pressions (150 milliards d’atmosphère) et des températures (14 millions de degrés) énormes. À l’échelle de la terre, la gravité n’est plus utilisable. Il faut trouver une autre forme de confinement. Aucun matériau ne résiste. Toutes les méthodes essayées jusqu’ici consomment plus d’énergie que la fusion n’en produit. L’homme ne se décourage pas pour autant. Il est présomptueux et veut prouver qu’il est capable de rivaliser avec le soleil (6). Y arrivera-t’il? et à quel prix? (1) http://www.ledenispapin.com/denispapin_inventeurdelamachineavapeur.htm (2) http://visite.artsetmetiers.free.fr/watt.html (3) Le joule est le travail effectué par une force de 1 newton qui déplace son point d’application de 1 mètre. Le newton est la force capable de communiquer une accélération de 1 mètre/sec2 à une masse de 1 kg (force exercée par un poids d’environ 102 g.) (4) Ce livre historique, régulièrement réédité, est toujours disponible en librairie. (5) http://www.carnot.org/Francais/nicolas%20leonard%20sadi%20carnot.htm (6) http://www.lps.ens.fr/~balibar/ITER.pdf
il semble que la fusion soit plus proche que ne laisse entendre l’échec prévisible du tokamak iter, ce qui remettrait en question tout votre raisonnement, cf:
http://www.contrepoints.org/2015/03/20/201684-fusion-nucleaire-pourquoi-lockheed-va-reussir-son-pari
à compléter par :
http://www.lockheedmartin.com/us/products/compact-fusion.html
Merci de me signaler cette information. Cela mérite un billet sur ce sujet.
Bonjour Monsieur, et respect pour votre travail considérable, vos capacités de réflexion qui font rêver.
Mais pourquoi diable les médias ne vous ont-il pas ouvert une tribune permanente prise sur le temps des insipidités que des nains de jardin nous déversent au quotidien sur le devenir du monde !!
Mon propos vous étonnera très certainement. Sans doute le jugerez-vous excessif. Mais vous entrez de plain pied dans le top cinq des personnes pour lesquelles j’éprouve une réelle admiration au terme d’un parcours chaotique de rebelle chronique… et la seule en vie.