On assiste aujourd’hui au développement embryonnaire d’une nouvelle espèce culturelle. Ses représentants s’assemblent périodiquement dans des endroits isolés de la campagne française. Dans le Var, où j’habite, ils se réunissent à Correns, sorte de village d’Astérix connu pour sa résistance au libéralisme. Là, ils mettent leur expérience en commun. La plupart d’entre eux ont équipé leurs demeures de panneaux solaires avec lesquels ils génèrent de l’électricité. Il la partagent avec leurs congénères grâce à une coopérative, Énergcoop . Tous ont placé leurs économies à la Nef . Beaucoup ont sur eux un carnet d’échange. Ils y notent les services échangés avec d’autres de la même espèce culturelle. Ils préfèrent cela à la monnaie officielle libellée en Euros. Cela leur permet d’aider ceux qui n’en ont pas. Les économistes appellent cela une monnaie complémentaire.
Dans mon livre (1), je montre de façon détaillée l’analogie qu’il y a entre les gènes et la culture (2). De même que les espèces animales se distinguent par leur nourriture, les espèces culturelles se distinguent par leur source d’énergie. Les uns utilisent des énergies fossiles, tandis que les autres utilisent des énergies renouvelables. Pour assimiler des nourritures différentes il faut des enzymes différents. L’analogue des enzymes est la monnaie (2). Les premiers utilisent l’euro tandis que les seconds créent leur propre monnaie.
Il est tentant de comparer la culture libérale dominante à des espèces de dinosaures. À la même époque vivaient de petits mammifères. La vie était pour eux difficile. Pour échapper aux dinosaures ils sortaient la nuit. Lorsque les dinosaures se sont éteints, les petits mammifères se sont multipliés. Ils ont ensuite évolué pour donner naissance à notre propre espèce. L’espèce culturelle dont j’ai observé les échantillons dans le Haut Var est-elle en train de jouer un rôle équivalent à celui des petits mammifères? Va-t’elle remplacer le libéralisme lorsque celui-ci s’effondrera? La biologie nous apprend comment les espèces animales s’éteignent pour laisser la place à d’autres. On peut s’en inspirer pour décrire la fin du libéralisme.
À la veille des élections européennes, les programmes des candidats sont révélateurs d’un mécontentement général. Presque tous proposent de « changer d’Europe ». J’espère avoir, dans mon livre, clairement montré que la situation ne va pas s’améliorer (3). J’y explique pourquoi, la situation devenant catastrophique, un État va tôt ou tard décider de sortir de l’Union en entraînant vraisemblablement d’autres (4). Pour la première fois, un parti politique propose effectivement cette solution aux français (5). Supposons que, dans quelques d’années, cela se fasse effectivement. Que va-t-il alors se passer?
Le nouveau gouvernement rétablit le franc, tout en gardant l’euro pour les échanges internationaux. On assiste alors à une double économie, l’une en euros l’autre en francs. L’économie en francs est en partie renationalisée créant d’un seul coup de l’emploi. Alors que l’activité reprend en France, le prix du pétrole continue à croître engendrant une baisse du commerce international. L’économie en euro est en chute libre. C’est l’effondrement du libéralisme et le retour à une économie semi-dirigée. Pour certains, disons les plus riches, c’est une catastrophe. Pour les autres, disons nos amis de Correns, une nouvelle vie commence.
(1) F. Roddier. Thermodynamique de l’évolution, Parole éd. (2012)
(2) Idem, section 13.2.
(3) Idem, chapitre 16.
(4) Idem, section 16.1.3.
(5) Il s’agit de l’Union Populaire Républicaine (UPR).
Bjr Mr RODDIER,
J’ai été un de vos étudiants à Nice en 1975 en licence de physique (pas le meilleur). Je travaille tjrs avec votre livre distributions et transformées de fourier notamment résolution équations différentielles (diffusion, mais je rencontre quelques difficultés solutions entre convolution et dévellopement en série de Fourier équivalent).
Je garde de merveilleux souvenirs de vos cours à Valrose.
Cordialement, Jean-Jacques TAVERNIER
C’est très intéressant ce retour à la monnaie nationale entre les mains d’un gouvernement libéré des banquiers internationalistes.
L’analogie proposée, par sa simplicité, permet de comprendre en quoi l’UPR est anti-Système.
Est-il possible de supprimer selon vous toute monnaie ? Par quoi la remplacer ?
ERIC BASILLLAIS
Une monnaie unique favorise les échanges économiques, mais aussi l’épuisement des ressources et accroît les inégalités sociales. Les monnaies multiples rendent l’économie moins efficiente mais plus résiliente. Emettre autant de monnaies que d’individus reviendrait au troc, c’est-à-dire à la suppression de toute monnaie. Cela réduirait considérablement les échanges économiques, mais aussi les inégalités sociales.
Je n’ai pas pensé à vous remercier pour cette réponse magnifique. Je ne voyais pas les choses ainsi. Et sur ce point vous m’avez influencé.
Plutôt qu’une multitude de monnaies locales, ne serait-il pas plus rationnel que la création monétaire nationale soit distribuée également et gratuitement par l’État ?